Avez-vous vu tous ces poètes autour
et ces clébards aux jambes variqueuses
ces bouches informes remplies de cafards jaunâtres
(sur l'île d'un piano je respire les azurs dorés
la saveur iodée, gastronomique, des nuages
ce qui traverse mes poumons, pour une fois, ne me met pas en rage)
avez-vous vu l'avalanche incertaine des bipèdes intestinaux
qu'un métro sérieux défèque avec une régularité mécanique
dans les sous-vêtements stratifiés de la grande maquerelle
(mon corps est parti en ballade
sur une route bris de verre
mon sang se mêle aux pics et aux bulles; l'amour est possible!)
Non, mais non, vous n'avez pas vu
la marche cadencée des angoisses tièdes et flasques
dans la marée poissonnière des horaires de bureau
ni les sourires concupiscents de la misère syntaxique
au ventre grouillant de gènes abominables
aux cheveux comme des miroirs où l'on ne veut pas se regarder
vous n'avez pas entendu les boulangères questions
des grands esprits stratosphériques
qui encombrent le circuit aérien de nos pensées divines
sinon, vous aussi, vous auriez tué tout espoir
fermé votre porte et scellé vos fenêtres
pour laisser libre court
(à la seule vraie magie
au mensonge honnête de la musique
à la seule vraie mystique
brille la mort suspendue dans l'escalier infernal des couleurs)
brille te dis-je, éclate
meurs une bonne fois pour toutes
chaque pore ouvert
cuisses et bras écartés
évidemment, je vous hais
évidemment je vous aime
) des putains
des putains
DES PUTAINS
dans un grand bordel enflammé
orné de gouttelettes de
nacre.