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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 15:30


                      Sic itur ad astra: par le cul

  Un mois que j'avais plus rien dans les veines. J'essayais, j'essayais quand même, parce que sinon, autant crever. Je me faisais des saignées, mais bon Dieu, j'avais beau tirer, tirer: pouic! j'me retrouvais tout sec, et pas de sang dans mon stylo. Le seul truc qui me prouvait que j'étais encore en vie, et qu'un peu d'hémoglobine courait toujours dans mon corps, c'était au  réveil. En allant chier. Je ressortais un p.q rougi du baiser de la reine. Du sang au cul! voilà où il était mon sang! au cul! Déchirant la vie d'homme, d'homme qui essaie d'être écrivain.

  "Qu'il vienne, qu'il vienne
le temps dont on s'éprenne".

  Mes aurores rougeoyantes se constipaient de petits mots noirs, durs et secs, gorgés de café et du vin de la veille. Il n'y a qu'aux chiottes que je confessais mes doutes, bien obligé. Le reste du temps, l'anus que j'ai au visage souriait, lui. Bonhomme. Beau joueur. On gagne, on perd, on perd, on perd, on regagne. Garder courage. Garder courage. Heureusement que je me baladais pas cul nu, sinon tout le monde aurait aperçu mon désespoir.

  Même me croquer une ou deux belles ne changeait rien, le lendemain matin je continuais de saigner du mauvais orifice.

  Faut avoir le courage d'appeler à l'aide. J'ai appelé une belle. J'ai appelé Fante, Buk, Céline et Faulkner, même si je comptais pas trop sur Faulkner.

  "Esthera? Ca te dit un verre en ville? Si t'as le temps après on fera un tour ensemble, je te lirais bien des trucs.

  "Salut Ben! des trucs de toi?

  "Dieu m'en préserve. Non-non.

  "Comme tu veux, oui ça me dit bien. Demain? aujourd'hui je peux pas.

  "Ok, à demain.

  "A demain, Ben".

  Bon, en général quand je lis des nouvelles, de la poésie ou des bouts de romans à une nana, allez savoir, je me la tape toujours, ou y a au moins un baiser pour conclure la scène. Même avec des trucs à moi, même avec des trucs pas à moi. Sais pas. Peut-être le fait de partager de l'émotion. Ou alors je suis un lecteur de première catégorie. Sûrement un peu des deux.

  Fante se débattait avec son palmier et ses rêves de gloire, Buk avec la bière et ses petits boulots horribles, Céline avec les Juifs et les éditeurs, et Faulkner, bah, on s'en fiche de Faulkner. Moi j'avais mon anus et la promesse de passer une belle après-midi avec Esthera.

                                                     *

  On se le boit notre verre, Pac à l'eau et Pago fraise. Elle va bien Esthera. C'est toujours une artiste. Elle rayonne toujours. Elle a toujours des guiboles magnifiques et le plus beau cul d'Avignon. Cela dit je m'en fiche pour le coup, pour une fois, je vise pas son cul.

  Y a des dièses de nuages qui quadrillent le ciel bleu. Ce jour sur terre, tout transpercé de soleil, s'acoquine à la perfection.

  "On va dans l'herbe à la Barthelasse?

  "Oui, tu DOIS me faire la lecture!"

  On se tire de là. La Barthelasse est une île reliée aux remparts par un pont qu'on traverse en cinq minutes. Que ce soit pour baiser, faire une balade bucolique, foutre son cul dans l'herbe ou faire du jogging, c'est l'endroit idéal.

  Esthera me pose pas une question sur mon boulot, elle sent ces choses-là, que c'est pas le moment. On est en pleine semaine, y a quasiment personne sur les berges du Rhône, à part quelques peintres tentant de restituer sur leur toile les reflets du ciel qui vérolent la surface de l'eau.

  Je choisis une place à l'ombre d'un gros tilleul et on prend possession de l'endroit. Juste en face de nous: le fameux pont d'Avignon. Fameux pour les touristes qui viennent y chanter la célèbre comptine.

  Clopes. Blablas innocents. Kesk'elle est jolie Esthera... Bon, spatouça.

  Je commence par un de mes passages préférés de "Demande à la poussière", celui où Bandini se rend compte que personne dans la pension n'a pris la peine de lire sa nouvelle, alors qu'il en a déposé des exemplaires partout où c'était possible. Et puis vient une petite jeune fille, qui elle a lu "Le petit chien qui riait". Ca se voit à son regard. Il le sait direct Bandini qu'il a affaire à une lectrice, et il en est tout bouleversé. De toutes façons, il est toujours bouleversé Bandini, il se bouleverse même tout seul rien qu'en pensant à son écriture, rien qu'en pensant à ses oranges acides, rien qu'en pensant au lait frais qu'il devra voler... Ca fait son charme à Fante, toute cette émotion ruisselante.

  Elle adore, Esthera, elle est touchée. Tu m'étonnes. Doué le Fante. Si il a écrit pour se faire des nanas, à mon avis, il a réussi son coup.

  Ah! le jour où j'aurais les couilles de dire tout ce que je ressens moi aussi! Enfin, là je m'en fiche total, j'y pense même pas. C'est pour ça que j'aime lire à voix haute, et pour un esprit sensible: enfin je m'efface.

  Fante, il étale autant ses émotions et son pathos qu'un Céline, mais c'est jamais glauque, c'est jamais désespéré, y a une issue; Céline est peut-être plus drôle, plus génial, plus novateur, mais il nous traine en riant vers un néant qu'il n'envisage jamais d'esquiver, ou alors pour mieux se foutre dans la panade. Céline, pour baiser une nana, c'est moins bien; m'enfin ça peut quand même fonctionner.

  Tout à coup, j'ai envie de l'hermaphrodite de Lautréamont. Mais je l'ai pas sur moi. Mais j'ai mon téléphone 3g! putain, vive le 21è siècle.

  Ca, ça va plaire à Esthera, même si elle connait très bien Maldoror, ça lui plaira que je lui déclame ça. Pour une fois je prendrai pas mon ton à la Malraux. On va faire sobre.

  Elle me sourit. Se rapproche de moi. Pose sa tête sur mon épaule, ses cils frôlent la surface de l'eau... L'herbe étend son empire tout autour de nous...

  "Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort l'hermaphrodite profondément assoupi sur le gazon mouillé de ses pleurs. La lune a dégagé son disque de la masse des nuages, et caresse avec ses pâles rayons sa douce figure d'adolescent."

  Je finis. On ne dit plus rien. On se creuse du regard. On bascule à la renverse. Le fleuve monte aux cieux. Les feuilles de tilleul mangent les nuages, une nuée de petites bestioles volantes mange les feuilles de tilleul. Eternité-seconde. La peinture azure goutte entre les branches. Silence gustatif.

  On ne dit rien.

  "Tu en es où de tes nouvelles?

  "Nulle part. Et toi, tes vidéos?

  "Nulle part. Enfin si, j'en ai une en route.

  "Tu en as toujours en route...

  "Oui mais celle-là c'est avec des petites voitures!

  "Alors oui, elle est vraiment en route..."

  Rien.

  "Tu n'as pas un poème en tête à me dire?

  "Je ne ferai pas mieux que ce qu'offre l'instant...

  "C'est vrai..."

  L'instant nous pénètre par tous les pores, par tous les ports, et vient amarrer sa félicité aux quais de notre vacuité. Ce n'est pas à pleurer de bonheur, c'est juste bon, juste suffisant.

  Les cheveux bouclés d'Esthera me chatouillent la joue, les brins souples du gazon me chatouillent la chair des bras, de la nuque, il doit en être de même pour Esthera. Ma sensibilité est chatouillée, ravivée.

  Putain, dire que le monde est toujours là, avec sa poésie intrinsèque, il est toujours là, imbibé de tout ce qu'il faut mettre en valeur, de touches impressionnistes, expressionnistes, de fugacités flamboyantes, de moustiques semblables à des machines de guerre, d'une guerre minuscule et magique, que tout l'esthétisme est là, que nous n'avons rien à inventer, qu'il suffit de voir -de voir bordel! tous les mots, toutes les couleurs, teintes, nuances, dégradés, tout est là, en vrac et qu'il suffit d'écarter l'inutile, le parasite, mettre en relief de tout petits riens, et que parfois, souvent, quand notre cul saigne de trop et qu'on a le regard planté dedans, ben voilà, foutre de foutre, on en est incapable. Tenir en équilibre sur un brin d'herbe comme dirait un con d'éléphant bouddhiste. C'que c'est tragique et beau, et drôle aussi.

  Des gosses débarquent dans notre eden. une armée ribambelle de petits braillards qui agitent leur bras comme des hélicoptères. Elle était belle et douce notre Normandie avant ce 18 juin. C'est sans appel, faut se barrer.

  Je retire mon bras de sous le cou d'Esthera, et j'admets, résigné:

  "On va devoir y aller je crois"

  Elle se lève, je la suis des yeux.

  "Bon dieu, ce cul que  t'as, c'est le dernier vers splendide de ce joli poème".

  Elle rit.

  "C'est vrai? tu le trouves toujours aussi beau?

  "Ton cul, c'est le printemps."

  Un peu cruche ça, mais c'est tout ce qui m'est venu, et ça a paru la contenter.
 
  Nous marchons à petits pas, en savourant ces dernières minutes avant le brouhaha d'apocalypse des voitures et le vrombissement des passants qui nous attendent sous peu.

  Sur un banc, droit devant, face aux canards qui dérivent connement au fil de l'eau, une silhouette attire mon attention. Un petit bonhomme, vieux, tout sec et trop maigre pour sa gabardine qui le boursoufle. Il tient dans ses mains ridées des feuillets retenus par des pinces à linge en bois. Une serviette à ses pieds. Je demande pardon à Esthera et lui dis que je vais la rejoindre, de pas m'attendre, que je dois parler à ce vieux bonhomme sur le banc.

  "Mr Destouches?"

  Le gars lève une trogne suspicieuse. Il a des yeux malins mais des traits inquiétants.

  "Ma foi oui jeune homme. A qui ai-je l'honneur?

  "Oh, peu importe. Je suis un tout petit peu juif, mais un tout petit peu seulement".

  Rictus. Jaune. Il sait pas trop si c'est du lard, du cochon ou du pickel.

  "Vous savez, on a pas fait mieux que votre petite musique en France depuis...

  "Ah? vous êtes donc portés sur les scribouillages. Et ailleurs, "on" a fait mieux?

  "Bukowski vous a volé l'incipit du "Voyage"! enfin, plagié disons...

  "Mon dieu c'est monnaie courante dans le milieu. Est-ce un homme -comment dire... raffiné?

  "Buk, raffiné? Hé bien, il revendique un certain raffinement depuis son tas d'ordures... c'est un grand émotif, ça devrait vous plaire ça...

  "Alors ça pourrait être pire, n'est-ce pas. Etre pillé, ou salué si on peut dire, par un type raffiné ne me gêne pas de trop. L'incipit en soi, ce n'est pas grand chose... on en fait tout un fromage parce que c'est ce qui reste d'un livre sans style, l'incipit, alors qu'on me le pique... oui pourquoi pas. Il me restera toujours mon style, n'est-ce pas...

  "Et les polémiques...

  "Oh alors ça, les polémiques, il y a en a toujours quand on réussit un petit peu... et puis je me suis assez excusé je trouve de m'être mêlé de politique... par humanisme en plus de ça! Une belle connerie ça, mon humanisme...

  "Comment trouvez-vous notre époque?

  "Votre époque? mon Dieu... horriblement lourde... oui, lourde, pesante, sans grâce... et pressée, tout le monde est pressé... les choses vont vite... les constructions, les destructions... tout se fait à une vitesse -comment dire? aberrante. J'ai bien peur qu'il n'en reste rien de votre époque, avec cette manie de tout faire et défaire si vite. La seule chose qui reste, c'est la lourdeur.

  "Vous qui n'avez pas connu de bonheur et qui chérissiez la mort, c'est un peu ironique que vous soyez encore là aujourd'hui, à... (je compte) 117 ans!

  "C'est une horreur, une tragédie.

  "Je me permets de vous plaindre. Bon, il faut que j'y aille, une nana m'attend. Enchanté d'avoir fait votre connaissance, vous qui fûtes Tout.

  "J'aimerais en dire autant jeune homme, adieu".

  Je le laissais, haineux et désabusé, échoué face à l'écoulement du Rhône sombre, et lourd comme il disait, en pensant que ben oui, pour un mec qui usa de la plus belle plume du XXè siècle pour dénigrer le monde entier et tous les hommes, quelque part, il avait eu ce qu'il méritait: la gloire, le dégoût, et la vie éternelle, cette vie qu'il méprise. C'était quand même le plus grand auteur qui fut au siècle dernier, la plus belle plume, la plus gracieuse, la plus nerveuse, la plus riche en émotions, mais quelque part, un peu "lourde" elle aussi. On peut bien trouver des poils aux oeufs!

  La littérature est la plus belle et la plus sexy des salopes qui peuplent notre univers d'homme: on lui donne tout et bien entendu, elle prend tout. Elle laisse des squelettes pas très reluisants cramer aux soleils noirs qu'on a su élever au dessus des restes abandonnés de ce qui aurait pu être nos vies. On se damne. On s'expulse. On regarde, on regarde, et on tricote des ptits bouts de chair tatoués d'infimes vérités. Des morts joyeux, des taxidermistes de l'émotion qu'on est.

  Avignon sifflait un petit vent tiède sur ma cellulose, sur le béton grumeleux, sur les canards qu'Esthera contemplait de son oeil d'enfant, sur le pont au dessus de nos têtes, qui couvre de ciment l'espace maritime d'en haut où se terrent pour l'heure des étoiles. Des étoiles de mer ou des étoiles de terre, ou des étoiles tout court, je savais pas bien. J'avais soudain envie d'écrire des conneries. Ecrire. Me vouer encore un peu à la tâche infinie, à moins qu'Esthera insiste pour baiser.

  J'avais le lendemain matin rendez-vous avec un spécialiste du colon pour savoir ce qui chiait rouge en moi. J'avais peut-être le cancer, peut-être pas. Dans tous les cas, je trouvais que la lourdeur, elle avait plutôt tendance à être en nous, sous forme d'agloméré de merde en plomb, et que suivant les matins ça ressemblait à s'y méprendre à de l'or.






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25 juin 2011 6 25 /06 /juin /2011 17:07

 

 

  Nous en sommes ici, dans cet ailleurs
greffé de kilomètres d'acier
gercé au soleil
percé de monticules
au sol coloré
dessein ridicule
de montrer un chemin

  Je les suis moi aussi
ces lignes
parallèles des destins
mais où mènent-elles?
en tous cas, peu en reviennent
de cet ailleurs flottant dans l'acier
ils ont bien voulu y aller
loin de la naissance
arpenter les terres solides
reliées entre elles
par des droites parallèles
parcourues de bolides

  Oh mais heureusement parfois
la nuit se jette
sur nous qui en sommes ici
et les lignes se perdent

  Alors il reste du temps
des heures au compte-goutte et l'encre noire efface
ces quelques doutes qui nous glacent
quand jaillissent au matin des lumières fabuleuses

  Les horribles traces qui nous trainent
au loin des lignes, des dessins, des phosphènes
où il vaudrait bien mieux
pour une fois fermer les yeux.

 

 

 

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25 juin 2011 6 25 /06 /juin /2011 17:00


  Oh oui!
l'âme est imberbe
vierge et nacrée
elle hulule cette chouette
des nocturnes conférences
et elle se fait violer
à chaque somptuosité de l'aurore

  Oh oui!
l'âme est imberbe
vierge et nacrée
même aux confins du banquier
qui est un poète sans foi
qui est cent fois un poète
violé à quatre-ving-dix-neuf pour cent

  Oh oui!
l'âme est imberbe
vierge et nacrée
offerte au mistral
qui effeuille le corps
penché à sa fenêtre
elle est violée par la beauté

  Oh oui!
l'âme est imberbe
vierge et nacrée
chez tous les présidents
qui gouvernent les hommes
et qui se violent
en violent le présent

  Oh oui!
l'âme est imberbe
vierge et nacrée
comme la lune
reste digne et belle
quand elle se fait violer
par cent mille soleils

  Oh oui!
l'âme est imberbe
vierge et nacrée
chez les pédophiles assassins
qui violent et souffrent
un peu beaucoup à la folie
l'éternelle innocence

  Oh oui!
l'âme est imberbe
vierge molle et nacrée
au creux poilu de l'être
du fou qui se viole
et se viole encore
en écrivant ceci.



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22 juin 2011 3 22 /06 /juin /2011 12:59

 

 

  C'était mon temps, la plus belle époque
nous vivions dans le sable et l'acier
les notes de Satie trempaient mes éveils baroques
je dévorais des empires entiers
de mélancolies, de mécaniques absolues
d'émotions et de techniques
certains attendaient l'iPhone 5
d'autres la libération de la Lybie

  C'était mon temps, la plus belle époque
en attendant la révolution cybernétique
l'amour huilait mes os.

  C'était mon temps que je voyais filer
comme un joli bas de femme
mes yeux remontaient, lubriques
jusqu'à l'essence, le temps X primordial

  C'était mon temps j'en guettais la césure
la bifurcation des forces
des langues à deux bouts
corps et esprit
contact
quand le plafond de nos têtes s'éclaire de rose et de violet
quand les monstres ont du style
quand les routes deviennent des boyaux fantastiques

  C'était mon temps, la plus belle époque
nous la vivions ensemble.

 

 

__________________________________________

 

  C'est ainsi que les hommes vivent

 

  Je me suis longtemps interrogé
sur la poésie
sur l'orgasme des femmes
sur l'astrophysique
sur la manière de réaliser une amortie parfaite au tennis

  Une nuit qu'il devait faire chaud
et que mes congénères pourrissaient patiemment
la mort me questionna
et j'eus soudain très, très froid.

  Il parait que la mort c'est comme une tarte aux fraises,
mais quand il n'y en a plus.

  Aujourd'hui il m'arrive de "faire" de la poésie
de faire jouir des femmes
l'astrophysique reste la plus belle part de mystère
je réussis quelques amorties

  et j'aime toujours autant les tartes aux fraises.

 

 

_____________________________________________

 

 

  Scénette de 11h00

 

  Sur le bitume encore tiède
l'eau ondule et traine
toutes les odeurs et les ordures
les danses et les pensées de la veille

  Un soleil glacé fond et goutte au derrière des nuages

  Je suis moi un petit individu
spectateur, je ne sais pas, je ne sais plus
ce que j'ai fait hier
je regarde l'eau qui ondule et se traine

  Ma conseillère Anpe vient de m'appeler
et de m'engueuler
je me suis retenu d'être méchant car elle n'y est pour rien
si l'eau entraine mes forces et mes pensées au loin.

 

 

 

 

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20 juin 2011 1 20 /06 /juin /2011 15:09

 

 

  J'avais peur
peur de m'enfermer dans quelques mots
de me foutre encore vivant dans un cercueil
alors je me taisais le plus souvent
je laissais les choses immuables en place
et mes émotions indignes dans le placard froid de mon âme
pourtant je voyais à peu près les mêmes choses que vous
qu'Artaud, que Baudelaire, que Rimbaud, que Lautréamont, que Bukowski
et tous ceux qui n'avaient pas craint de les exprimer
avec ou sans méthode
comme les enfants, comme les chats qui miaulent d'indéchiffrables poèmes.

  J'étais mort avant d'être vivant, par peur.

  Les jours fouettaient ma charogne mouvante
mes intestins faisaient leur boulot
mais la peur, oui la peur
résorbait mon coeur
je vomissais beaucoup, je chiais peu
mes yeux cherchaient des théorèmes
pour circonscrire l'angoisse
masquer le manque de courage
l'amour ne me rejetait pas, pour une raison que j'ignore
ça aussi c'était flippant
les années refermaient leur porte sur un long couloir dont je ne sortais pas

  Je déambulais dans ma chambre funéraire, assailli par les ombres.

  Et la poésie mourut
sous mes yeux recueillis
il fallut bien la remplacer
par n'importe quel moyen.

 

_______________________________________________

 

  Tombés du ciel

 

  Oh mais ce qui perle dans le dos
en gouttes fines comme la rosée
c'est le stress qui te blesse
au regard des horizons abandonnés
 
  un jour se lève sans peine
pour les pirates, les capitaines
qui cherchaient des terres sauvages
il y a peu encore, ils n'avaient pas d'âge
 
  Au regard des horizons, des émeraudes
tombées du ciel, ce matin ne mène à rien
dans l'habitacle en chemin
l'océan s'est gorgé de goudron
 
  Atlantide perdue
ou sur la lune au loin
un soleil s'est éteint
des continents entiers ravallés
aux façades antiques
ruinées superflues
des ombres pathétiques
tous ces gamins tous ces gamins
n'ont pas bien compris
où était l'Atlantide perdue
ni la lune si loin 
ni les émeraudes tombées du ciel
ils sont dans la foule
qui roule au pays doré
sur des mirages hystériques
oasis évanescentes
peintures métalliques
pixels et polygones
parfois moi aussi je me vois
dans la foule
toutes ces couleurs toutes ces couleurs
artificielles
il faut bien ça pour nous faire oublier
les émeraudes tombées du ciel.

 

 

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18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 15:14

 

 

  Une nuit

 

  Les choses sont mortes dans un gargouillement
intestinal; le soir impose son linceul.

  Repas nécrophage, détrituvore, zombi
chomp chomp chomp chomp chomp chomp, un chien mange une main.

  J'ai prêté des sentiments à la charpie
la voyant s'apesantir sur le monde éteint
il n'était pas tard, mais les choses étaient mortes.


  La ville accouchait d'un grand cimetière.

  Les ombres inertes vaquaient en entrechocs
lugubres et piaillaient leur folie noctambule
sur les boyaux salis semblant à des ridules
la nuit, la nuit, crépi-tait en éléctrochocs.

  Et puis, le dernier râle à l'heure du grand rien
la brume descendit sur le suaire urbain.

 

 

_____________________________________________

 

 

  Noir océan

  La lune se balançait dans le ciel
comme un doute
et la nuit prenait en otage
nos envies, les nuages
épris de rouge
et des rouages des voyages sans retour

  Sur les toits nimbés de vagues
la lupuline léchait la voûte
jusqu'aux aubes cristallines
traversées de zinc et de soleil sodium

  Enfoncés dans les vitrines
entre les étoiles fouettées par le vent
nous crûmmes entendre comme un chant:
une fuite, un appel à la déroute.

 

 

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15 juin 2011 3 15 /06 /juin /2011 19:13

 

 

 

  "Ce chien si je lui file pas ses médocs, il crève au bout de trois jours!"

  Horrible son chien. Sûrement le chien le plus moche de tout Avignon. Un vieux cocker tout véreux, à moitié dingue, et méchant comme tous les cockers.

  "Ouais ça fait chier, c'était le chien de mes parents, et ces enculés si je le sors pas ils le laissent moisir dans sa pisse! Et sans ses médocs, il  crève du coeur. Putain je m'en suis mis pour mille euros en un an! tu me le gardes stp, j'en ai pour cinq minutes?"

  Et il me tend la laisse, parce que j'ai pas le choix. C'est Gab, mon plus vieux pote ici, sur Avignon. Comment dire non à son plus vieux pote... Alors voilà, je me retrouve devant le RADAR avec le chien le plus déglingué de la ville au bout d'une laisse. Il tire comme un âne en plus. Sale bête. Gab s'est tiré dans le RADAR, pour voir je ne sais qui, certainement une histoire de drogue ou de thune. Il fait pas trop dans la gonzesse Gab, il a des préoccupations plus élevées: défonce, récupération de merdouilles dans la rue, sérigraphies et bières. Les filles c'est pas vraiment son truc, il fait rien pour en plus. Le pire c'est qu'il est pas moche, mais toujours fagoté comme un prince-mendiant, avec une tronche de coucou tout juste extirpé de l'oeuf. Ca a son charme, mais il sait pas trop en user.

  Me voici comme un con, à l'entrée du RADAR, sans même rien à boire, ce vilain cocker au bout du bras. Et y a du monde, c'est l'heure de l'apéro. J'espère qu'il va pas calancher là maintenant.

  "Oh, Ben! salut! c'est ton chien? il est trop mignon!"

  Elle dit ça en cachant mal son air dégouté. C'est Angeline. Joli visage, plutôt sexy dans ses fringues glam-gothiques, mais un chouilla trop grasse, et con comme une truelle. Je lui dis que non, c'est pas mon clébard, et je me justifie: je le garde pour un pote, quelques minutes.

  C'est long ces minutes. Evidemment je vois passer plein de nanas que j'estime comme des coups potentiels. Mon côté séducteur ramasse un peu avec cette puanteur canine qui tire dans tous les sens et que je rappelle continuellement à l'ordre.

  Gab reparait. Sainte mère de Dieu, enfin. Je lui rends son micro fléau.

  "Je te paye une bière? on se met en terrasse, ça fait plaisir de te voir.

  "Ouais ouais, moi aussi Gab ça me fait plaisir, si tu veux, va pour la bière".

  (au point où j'en suis, maintenant que je passe pour un promeneur de cocker, autant ramasser le salaire.)

  "Pauvre chien. Sans ses médocs, y crève. Je l'aime bien moi ce clebs".

  Il était évident que Gab se projetait un peu dans son animal. Tous les deux se laissaient porter par la vie, sans vrai but, rognant par-ci par-là les os à leur portée.

  Gab est toujours rempli d'histoires, et a un certain talent pour les raconter. J'aime bien ses histoires, c'est toujours plein de flics, de zonards, de papiers d'identité perdus, d'embrouilles de dealers et de mesquineries de toxicomanes, puis ça finit régulièrement en garde-à-vue, voire au tribunal. Ca fait descendre la bière.

  V'là El Desdichado qui revient du Styx, on voit sa gueule de damné qui luit au coin de la rue. En croisant mon regard sa tronche se déforme. Je me demande. En fait c'était un sourire. Il tourne, tout raide, dans notre direction.

  "Bon, faut que j'aille refiler ses cachets au chien...

  "Ouais sinon, il crève".

  Gab rigole. Se lève, salue le grand poète de la place (pas moi, l'autre) qui est arrivé à notre niveau, et se taille en essayant tant bien que mal de manoeuvrer son cabot. Un si petit machin avec autant de force. Dingue. Tout à la hargne, tout à l'orgueil de pas obéir à un humain. Il m'impressionne. Un véritable insoumis.

  "Putain, j'ai passé une soirée de taré. Je bois trop, faut que je fasse une pause. Tu me payes une mauresque?"

  Un jour je vais t'assassiner Desdi, tu vas voir.

  "Non, désolé, j'ai plus de thune là.

  "Bon, je vais voir si le serveur m'avance un verre".

  Et il revient avec sa mauresque. Le monde est beau.

  "Ouais, je te disais, j'ai fait n'importe quoi hier...

  Stupéfiant. Là il fait un arrêt dans la narration, parce que Desdi sait ménager le suspens. Il trempe sa moustache dans sa mauresque resquillée. Il reprend.

  "Je suis tombé sur une fille trop jolie qui m'a emmené chez elle, on s'est embrassés, ça partait super bien et puis j'ai tout fait foirer. J'étais trop bourré, j'étais ingérable, je gueulais, je renversais tout... J'ai foutu un bordel monstre chez elle..."

  Et là il me scrute comme si j'étais son psy, ou sa mère, et qu'il attendait mon commentaire, mon diagnostic ou que je le réconforte. Je dis rien. Il attend. Bon. Je fais un effort:

  "Et?

  "Et ben elle m'a viré de chez elle! voilà ce qu'elle a fait! Et entre nous, elle a bien eu raison, j'étais imbuvable!"

  "Tragique.

  "Ouais, plutôt. Je bois vraiment trop, faut que je me calme. Je pense que je vais quitter Avignon.

  "T'as raison, ailleurs c'est la prohibition, tu trouveras pas d'alcool.

  "Tu fais chier, t'es vraiment un enculé!
 
  (je le dis toujours)

  "T'es un enculé mais je t'aime bien, bon, je te cherchais en fait.

  "Pour me raconter ça? tu te fixes des objectifs à ta portée, c'est bien.

  "T'es trop con c'est pas possible! Qu'est-ce qui t'arrive aujourd'hui? Toi aussi tu t'es fait foutre dehors de chez une fille? Non, je te cherchais pour autre chose. Tu fais quoi ce soir?

  "Si tu veux qu'on aille se faire mettre des coups de pied au cul par une petite nana, je dirai pas non.

  "Mieux que ça! plein de petites nanas! Y a une soirée lecture de poésies à la fac, ça commence à 21h, moi j'y vais, si tu veux on y va ensemble.

  "Y a à boire?

  "Sûrement. Ca te branche?

  "Ouais".

  Pour une fois que Desdi me sert à quelque chose! L'occase est trop belle.

  En fait on est comme le clébard de mon pote. Si au bout de trois jours on a pas eu de l'alcool, des filles ou des coups de pied au cul, on crève du coeur.

  Rencard pris pour 21h dans une cave à vin non loin de la fac aux semi pucelles venues entendre de la poésie. Ca promet cette soirée...

  En parlant de pucelle... Me fais brancher par une gamine de 16 ans, une fille bizarre, anaprodite (elle aurait jamais connu d'orgasme), dépressive et un peu bête. Enfin, "brancher"... le mot est fort... c'est surtout une petite profiteuse qui aime bien me taxer des clopes. Elle veut que je l'invite à bouffer. En fait c'est juste de la jalousie, elle est hyper vexée que je l'aie jamais draguée. Mais t'as 16 ans crétine! et en plus t'es crétine, faut te mettre à ma place! D'accord t'as de jolis yeux bleus de violette fanée... mais t'es une gamine merde! en plus je lui plais même pas, elle s'était empressée de me le dire un soir que j'avais rien demandé. Je crois qu'elle est surtout jalouse d'une relation un peu trouble que j'entretiens avec une amie à elle, une fille majeure et qui en a dans le ciboulot... bon... elle veut bouffer avec moi. Soit. C'est pas très compromettant déjà, et je connais un restau chinois pas cher du tout, d'une qualité tout à fait honorable. La gamine est une pseudo skinhead, j'aime bien les skinheads, ils sont débiles, on passe toujours de bons moments avec eux, tant qu'on est ni Noir ni Arabe. 

  Ca loupe pas elle me cause de trucs complètement cons. J'adore. Elle hésite à quitter le "mouvement skinhead"! Pas parce que ce sont des idiots qui dirigent contre les étrangers une rage qu'ils pourraient retourner contre eux-mêmes; pas parce que ce sont des brutes introverties. Non. Elle hésite à quitter le mouvement parce qu'elle a pas assez de sous pour s'acheter les bons vêtements! Elle peut pas suffisamment renouveler sa garde robe fashion de DC streets, de Docks Martins, elle peut pas se payer les piercings qui lui donneraient la prestance nécessaire pour être bien vue par les autres skinheads. En voilà encore du Tragique! Je serais très curieux de connaître son QI, il doit être très légèrement supérieur à ceux des nems qui attendent dans nos assiettes.

  Elle vient d'une famille de mussoliniens... Ouais... Elle a quelques excuses donc... Elle me raconte sa petite life, c'est Cosette, tout le monde il est méchant avec elle. D'ailleurs elle a un service à me demander:

  "Tu crois que tu pourrais m'héberger ce soir? et je voudrais que tu me pierces si tu l'as déjà fait, au dessus des lèvres. Là".

  Et Cosette me montre du doigt où elle voudrait que je plantasse mon aiguille. Amusant ça. Piercer une mineure à domicile. Jamais fait. C'est tellement con, tellement bizarre et improbable que ça me botte bien.

  "Ecoute j'ai une soirée de prévue, mais si je suis dispo après, je t'appelle. Je peux pas te dire pour l'instant".

  On se sépare là dessus, c'est 21h bien dépassé. Je file à la cave à vin. Ce truc est rue des teinturiers, une jolie rue pavée avec un canal et des roues à aube, c'est vraiment chouette, y'a souvent des musiciens qui viennent ajouter à l'ambiance avinée. Ben là c'est rempli. Desdi me voit venir de loin, il me fait de grands signes au milieu d'un tas de gens. Je bois des coups avec eux, parce que quand même.
 
  Allez, go pour la soirée poésie et les petites chattes estudiantines. C'est plus de 23h, on va arriver juste à temps pour finir les bouteilles.

  Y a du monde, ça brasse bien. Et même une entrée payante, avec un vigile qui garde le portail. Une petite nana nous demande si on a réservé. Est-ce que, franchement, on a une gueule à avoir réservé? Nous? les plus grands poètes d'Avignon! Sans blague. La fille nous dit que c'est chaud, que c'est complet, mais qu'elle va voir ce qu'elle peut faire. Elle se dirige vers sa petite table où deux autres filles gèrent les entrées. Et là, ça part en sucette. L'une des deux autres filles, une belle brunette lève un oeil ténébreux sur nos faces et lance:

  "T'as pas réservé Christo? hé ben tu rentres pas".

  Christo, c'est Desdi. Je lui demande si le plan foireux de la veille, quand il s'est fait fiche dehors, si c'est pas avec cette minette-là, par hasard... Il me dit que non, qu'il comprend pas. Ils parlementent entre eux. Je reste un peu à l'écart parce que c'est bien tendu.

  La brune veut rien savoir. Elle semble jubiler de recaler Desdi. Niet. Il rentrera pas. Complet.

  Des tas de gens sortent.

  "Ben là, c'est bon, y'a moins de monde, on va pouvoir rentrer!

  "Non Christo! tu rentres pas, tu restes dehors!"

  Il se retourne vers moi, éberlué.

  "Je sais pas ce que tu lui as fait à elle, mais ça devait être encore pire qu'à celle d'hier...

  "Mais j'en sais rien! je la connais même pas, je te jure!"

  Elle veut rien entendre, elle donne même des consignes au vigile pour que sous aucun prétexte on ne rentre dans l'enceinte de la fac. Ca commence à faire scandale parce que Desdi ne lâche pas le morcif, l'humiliation étant un peu trop dure à avaler. Nous!!! les poètes attitrés de la ville! refoulés à l'entrée d'une pauvre soirée lecture à la faculté d'Avignon! Perso je trouve ça savoureux, mais Desdi, lui, il digère pas très bien.

  "Mais je connais Yvon! le mec qui a organisé la soirée, c'est lui qui m'a dit de venir!

  "hé ben t'as qu'à l'appeler, moi je te laisse pas rentrer, c'est clair et net".

  Vraiment je m'interroge. Qu'est-ce qu'il y a bien pu avoir entre eux deux?

  Desdi appelle l'orga. Des jeunes entrent, sans problème, d'autres sortent, par petits paquets. Et nous, devant la grille, triquards. Fun.

  Le gars finit par descendre visiter notre misère. Un petit gars râblé, avec un béret sur le crâne. Gentil. Amène. Il est désolé. Non, non, c'est pas la peine d'insister, si on a pas réservé pour leur soirée de merde, on peut pas. De toutes façons c'est la fin. Par contre il aimerait bien qu'on soit présents à la prochaine lecture, dans un petit bled pas loin, une lecture de poèmes érotiques. Je lui file mon numéro et l'adresse de mon blog où il pourra voir le genre de trucs que j'écris. On doit se recontacter. Avant de se quitter il nous refile à chacun un flyer de sa soirée "érotique". J'ai rarement vu un flyer aussi mal fichu, aux couleurs aussi orgiaques. J'imagine déjà combien j'aurai honte de le sortir et de montrer ça aux gens que je vais devoir inviter. Le nom de la soirée paye aussi: "Le festival de la pintade". Je sais pas où ils vont chercher ça. Ca ressemble à une mauvaise blague, à un mauvais brainstorming où tous les participants étaient trop bourrés pour s'apercevoir de leur connerie.

  Je rappelle Cosette. Elle est toujours à la rue. Elle veut toujours que je lui fasse des petits trous. Je sens que ça parachèverait bien ma soirée de faire deux trous à une mineure. Va pour une expérience stupide.

  On se retrouve devant chez moi. On monte. Je lui fais des points au marqueur là où elle souhaite foutre ses petits spikes à la con. Je pointe l'aiguille après l'avoir cramée, je pousse, CRAC ça traverse. Ca saigne même pas. Y a presque pas de nerfs à cet endroit là. En deux minutes je lui en ai fait un. Elle est contente. Il en faut peu. Vu qu'on se rapproche à cause de la situation, elle me demande si je voudrais bien l'étouffer, ça ça la fait fantasmer. Heu... Non. Je me connais, ça va me faire bander et je vais me sentir dans une posture délicate après ça. Non, non. Va pour les p'tits trous, mais les délires SM avec une gamine, faut pas exagérer. Elle insiste. Je tiens bon. On passe au second trou. Elle est folle cette gosse. Le second trou est moins évident à faire: normal, c'est là que la symétrie prend tout son sens; on reprend les marques quatre ou cinq fois et puis CRAC je la re pierce. Miss Causette est aux anges. Elle se mire dans mon miroir en se demandant si elle est la plus belle. Je crois qu'elle me pose aussi la question, question à laquelle je réponds vaguement, sans trop me mouiller. On finit par se coucher. Comme j'ai qu'un lit, ben... voilà quoi. Je me souviens qu'au matin j'avais senti le frôlement de sa petite jambe contre la mienne, contre ma cuisse, un geste plus ou moins volontaire, plus ou moins appuyé, et que ça m'avait fichu très mal à l'aise, genre j'ai sauté hors du lit presto. Allez, dehors la skin, va montrer tes spikes à tes potes, j'ai du boulot.

                                                    *

  Plusieurs jours après, on retombe sur le type de la soirée érotique, dans un bar. Je suis encore avec Desdi. Le type était allé voir mes textes, il est bien intéressé. Il nous explique le projet. C'est une sorte de soirée Slam, un concours, mais nous, Desdi et moi, faudrait qu'on tienne un peu l'évènement, sans participer au concours, faudrait qu'on lise chacun trois ou quatre textes, pour faire comme une colonne vertébrale, avec des poèmes pas trop pourris histoire de maintenir le niveau à quelque chose d'acceptable. Ok ça nous va très bien. Je me permets un bémol tout de même: cette affiche, c'est une horreur, l'infographiste est daltonien? nauséeux? faut faire un truc, sans blague. En plus c'est illisible, écrit en blanc sur jaune et ça bave. On peut difficilement faire pire. Il est assez d'accord pour le côté gerbe étalée et illisible. D'ailleurs il a fait refaire le flyer, il nous le sort. C'est EXACTEMENT le même. En plus net, mais les couleurs, c'est les mêmes: blanc, jaune, bleu. Le nom n'a pas changé, c'est toujours: "Le festival de la pintade". Une info nous avait échappé, là elle nous saute au visage. C'est payant. Ils espèrent que des gens vont mettre  quatorze euros pour venir entendre de pauvres poèmes érotiques? Je suis scié.

  "Non, mais vous inquiétez pas, vous, comme vous venez faire des lectures, on s'arrangera, on vous fera un pass', vous payerez que quatorze euros pour les deux jours!"

  Comme vanne c'était drôle. Mais comme déclaration sérieuse, alors là, c'était carrément du grand art. On le remercie chaudement, on lui dit que oui, on va le rappeler très bientôt pour mettre ça au point. On se taille vite fait Desdi et moi, en direction d'un autre rad où on trouvera de vraies pintades auprès de qui improviser des choses érotiques.

  "Non mais, sans déconner, il croyait vraiment qu'on allait payer pour dire des poèmes?

  "Je trouve ça émouvant moi, les gens qui veulent faire de l'argent avec la poésie. C'est alchimique et naïf...

  "Et la pintade voulait me picorer la queue avec son petit bec rubicond et circonflexe, mais comme je suis circoncis et pas trop con, je lui ai broyé la tête!"

  On se marre. Finalement on trouve pas de greluche, il est tard et y'a personne en ville. On se prend un rouge chez l'Arabe. On se ramasse chez moi pour écouter du Thiéfaine en crachant sur ces paysans d'Avignon qui prennent de grands poètes comme nous pour des vaches à lait.

  Desdi aura le Prix Nobel de je sais pas quoi, un million d'euros, il pourra se payer son voilier. Et moi le Goncourt, dix euros ça me suffit bien, j'ai jamais couru après la thune. Je veux juste faire une émission télé où un ex admirateur me criera: "Bukowski, ta gueule!", enfin avec un autre nom que Bukowski, mais l'idée est là.

  Thiéfaine, ça c'est du poète, avec une chair de poète. Je sors ma gnôle pour oublier toute cette affaire. Après deux verres je bascule en arrière, les yeux écrasés au plafond. J'entends pas Desdi se barrer, ni la gloire arriver d'ailleurs. Demain sera un autre jour, un sacré jour demain! J'en suis sûr.

 


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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 16:58

 

 

  Ci-gît ton regard
organe désargenté
qui luit, pie, cherche le fard
d'un reflet ourlé

  Ci-gît le pourquoi
qu'on ne trouve pas
dans l'art les déconnexions
d'avec la vie, les fictions

  Ci-gît le mot perdu
la marque sous la robe
les derniers sons entendus
d'un souffle qui se dérobe

  Ci-gît le lecteur
et la carcasse, en choeur
forme de tout incomplet
aveugle et muet

  Ci-gît ma religion
de crétin profane
je ne suis pas Légion
ma foi souvent se fane

  Ci-gît un humain
parmi tous ses frangins
cloîtré oublié oublieux
dévoré par son milieu

  Ci-gît un clébard
en haut de l'évolution
toujours en retard
d'une énième mutation

  Ci-gît ma liberté
conquise et abandonnée
au nom de l'absolue
enclume qui me tue

  Ci-gît la perfection
sous son linceul idéal
en putréfaction
sa seule forme légale.

 

 

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11 juin 2011 6 11 /06 /juin /2011 17:22

 

 

  Mais la lune
ne nous a pas tout dit
elle en a caché dans le sombre
de sa face tournée
des filins
bleus jaunes
destinées de poètes
pendus à la vieille lune
des Villon, des Nerval
rongés dans le silence d'une nuit
rognés par les dents blondes
sa bouche de velours
les a tus

  Vieille lune
qu'en as-tu fait
de tes idolâtres
sont-ils partis sur les flots
mer du froid, des nectars
ou de la connaissance?
mais elle se tait encore
ou peut-être qu'elle rit
belle salope blonde
elle en a tant bouffé
des destins de poètes
pendus au filin
dédale

  Elle n'a pas tout dit
des brumes du phosphore
sûrement qu'il reste encore
quelques secrets fichés
sûrement mais
la lune assassine
son sourire fascine
les allumés des reflets
les sans soleil
mais dis-moi
vieille lune
qui sera sans lendemain
qui sera ton prochain?

 

 

 

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11 juin 2011 6 11 /06 /juin /2011 17:20

 

 

  Je suis l'oiseau crevé
croisé ce matin
petit oeil figé sur le monde refroidi

  Je suis l'oiseau crevé
au bec encore qui tape
sem-pi-ter-ne-lle-ment au carreau du salon

  Je suis l'oiseau crevé
mais toujours tiède dans la main
piou piou piou piou piou piou

  Je suis l'oiseau crevé
ramassé par une taxidermiste
habile amoureuse orfèvre

  Je suis le vacarme des idées dans la tête
d'une enfant perdue dans la brume
face à mon propre cadavre

  Cadavre tiède encore
des caresses des enfers si douces
je les ai bien connues, ces geôlières
au parfum de soufre
aux noms qui franchissent la mort
je suis la résurrection
malgré que, malgré que, malgré que
(pas très français ça!)
j'eusse dit qu'on ne m'y prendrait plus!

  Pourtant mes ailes
pourtant mon gosier
secs et rigides 
ma chansonnette atone
piou piou piou piou piou piou
s'imposeront mille fois
à vous, à vos enfants
en marche sur le bitume vivant
ou dans la forêt humide

  Des chants d'oiseaux crevés
vous en entendrez presque tous les jours
et vous serez hantés.

 

 

 

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