Angoisse
Avons-nous tout le temps
qu'il faudrait pour sentir
la vieille lune expirer son râle de lumière matinale
la dernière note polyphonique
du concert des amants
leurs voix qui s'alternent
l'entendrons-nous cette note fatale?
déjà, je baille... Alors permettez
que j'en doute
La finalité ne vaut pas tripette
certes
mais
l'ultime vibration de notre entendement
l'éclairage qui retombe
la fin absorbée
digérée
ça n'est pas tout à fait vain
j'aimerais prendre le temps de courir
à toute berzingue
sans rien oublier
de la désinvolture
ni cette femme un peu paumée
touchante, qui réclame dans un vide gorgé de monde,
de monde sourd et affairé à sa néantissime et narcissique inexistence,
qui réclame trois euros quatre-vingts pour déplacer
son corps
ailleurs
La question du mérite est à étudier
sauvagement, bien sûr.
Cinq dernière minutes
pour trouver l'assassin
pour sourire
pour comprendre, réapprendre
éteindre la lumière
accrocher les mots en flamberge
enfin en sinusoïde
pour s'armer de patience
réussir à
enclencher les pieces du puzzle.
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Baisance
Sexes turbides aux confins des chairs jamais rassasiées
vous indiquez si bien
le chemin rugueux de la mortelle excellence
je vous salue avec insistance
en agitant mon pieu de piété
Ô Jésus, ô Madeleines,
ô Nérons concupiscents, ô Dyogène
ô ma queue de Babel
au langage de Grenelle
J'aime baiser, c'est sûr
mais la raison m'échappe tout à fait
elle s'enfuit si je la veux saisir
comme la fumée s'eclipse entre mes doigts de matière dure
La reproduction est rarement à l'ordre du jour
mais nous perdurons dans la défiance
manger est une nécessité qui fait le ventre lourd
mais l'onanisme doit bien être une déviance
Quand j'ecris, je tutoie mon néant
avec la déférence du sapajou
Mais quand je saute sur des fesses
quand je fais pénitence au creux des cuisses
je ne vois ni dieux ni diables
je m'animalise, c'est irréfutable
Pourtant j'y trouve une sorte de Foi
de connexion avec le brillant je-ne-sais-quoi
mais si je jouis, si je m'expulse du Moi
je suis soudain atterré par ce vide exploit
J'avoue n'y rien comprendre
ça me semble un peu pathétique
d'ainsi se distendre
dans le Cantique des Cantiques.
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Identiques
Je m'avorte souvent
sans fierté exagérée
sans mépriser le comment du pourquoi
sans cracher dans la soupe
L'amour n'est pas impossible
il n'est qu'indicible
inavouable face à la pauvreté des mots
il y en aurait toujours un de trop
Encenser la mort est à notre portée
la capiteuse fonction organique, aussi
mais l'entrelac phosphoreux de la sentimentalgie
pardon, mais j'en doute avec sérieux
Alors, je préfère encore m'avorter
me pincer le bras à m'en écorcher
je me répète, coeur qui n'est pas le mien:
pardon; je projette un silence de feu
Un silence de feu pour s'immoler
en vertu de toute notre synthétique covalence
qui nous unit inexpliquablement
comme deux identiques folies.
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Apostasie
Ô rimes obscènes
je rejette vos crimes
vos aléas futiles
bzz bzz de phalène
Ô monstres languides
votre bouche ronde,
gorgée, est putride
de matière inféconde
Quel con vous adule?
quelle mère vous enfanta?
Ô vagins et pustules
vous valez mieux que ça
Pour six, pour douze, pour cinq
mots tors ou de travers
pour sept, huit ou bien dix
trop de choses meurent, non dites.
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Today
Un camion de glace ne vend pas de glace
non
ce serait trop simple
il renferme une existence de glace
solitaire et ample
dans son petit véhicule
à travers sa vitre, elle voit les vies qui passent
s'arrètent, les enfants qui comptent leurs sous
un couple qui s'embrasse
un vieu devenu fou
parce qu'enfant il ne s'en payait pas
des glaces
et tous ces gens s'effacent
le soleil se dissout
dans un ciel qu'on dit infini.
Le type rentre chez lui
enfin ce serait logique.
Il conserve son sourire statique
par amabilité, pour donner le change à ses voisins
pour cette fille aux gros seins
mais il se doute
que demain non plus, il ne vendra rien
parce que c'est l'hiver
bon dieu de foutre,
tout ça est cohérent! et la fille n'ouvrira pas sa robe comme ça
sans un mot sympa
il faut digérer l'absurde, certes un peu lourd sur l'estomac
comme une grosse glace à la menthe
une matinée d'hiver.
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Plan X 4 U
J'aime l'hypocrisie des plans baise
tu fais quoi comme boulot, études, ta couleur préférée?
oui moi aussi j'aime ça, beaucoup
mon appartement est bien rangé
oui tout cela est nul, et tout ceci est bien
je pense comme toi
en vertu de quoi
sache que je te baiserai bien
je t'enculerai avec complicité
chez moi ou chez toi, viens
et nous ne nous reverrons plus jamais.