Bluette vivace
Ce n'est pas la nuit
il n'y aucune ombre
seuls quelques décombres
tout ça, c'est nos vies
gachées, en ordures
très reconnaissables
ce tas misérable
est encor très pur
oh! il pue un peu
mais dans ses reflets
de métaux brisés
on peut voir nos yeux
ce n'est pas la nuit
c'est en plein soleil
nous sommes merveilles
merdes anoblies
certains détritus
hurlent à nous voir
des crasses d'espoir
en nous parvenues
le vent amiral
brasse tous nos restes
poudre de nos gestes,
dérive banale
toutes ces visions
de résiduels
perte fonctionnelle
d'une profusion
et journées rouillées
d'incarcération
et vieux pantalons
poussent à fouiller
dans un noir foetal
dans la pestilence
dans la morte enfance
dans le sidéral
bouffis par le temps
niqués par la vie
la force et l'envie
un souffle et un chant
bien que nauséeux
un chant et un souffle
dans le soir vitreux
car le soir nous bouffe
au terme d'ici
soir et nuit venus
la journée n'est plus
le ciel est rôti
tout lardé de sang
violet et carmin
c'est la nuit enfin
qui en s'écroulant
sur le tas qui luit
sur toutes nos miettes
sur cette bluette
jette son enduit
et ce tas de nous
nous a occultés
nous a occupés
tenus jusqu'au bout.
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Plus belle la vie
Mon feu livide et aveuglant
ne brûl(e) ni le mal ni le bien
des jours opales et nonchalants
qui m'ont accepté en leur sein
Comment te dir(e) mon fol amour
à toi qui sais combien je suis
incrédule et inapte et sourd
aux sentiments et à leurs bruits
Je me souviens des mille années
entassées par enchantement
dans nos yeux perdus et déments
se figeaient des espoirs camés
On se shootait d'envies fragiles
un peu débiles et inconscients
donquichotesques et futiles
excités d'être sans argent
Les plus beaux livres avaient sur nous
des effets indésirables
nous ne vivions plus que de fables,
concoctant d'infâmes ragoûts
Parler devenait périlleux
on ne baisait plus que des yeux
la faute à notre peau séchée
ou qui d'un coup dégoulinait
Mon feu livide et aveuglant
ne brûl(e) ni le mal ni le bien
des jours opales et nonchalants
qui m'ont accepté en leur sein
Comment te dir(e) mon fol amour
à toi qui sais combien je suis
incrédule et inapte et sourd
aux sentiments et à leurs bruits
Derrièr(e) nos volets noirs et clos
suintait le monstrueux jardin
que tu nourrissais de ton sein
et moi de sucs imaginaux
Il fallait des règles nouvelles
enfin c'est ce que je disais
toi tu fouillais dans les poubelles
pour exalter notre beauté
Je me souviens quand tu pleurais
je me sentais enfin capable
dans un grand brasier de coupable
d'exterminer l'humanité
Toi tu flamboyais sur la rouille
moi je m'emmurais dans la trouille
de ne pas être Maldoror
et que le monde s'évapore
Mon feu livide et aveuglant
ne brûl(e) ni le mal ni le bien
des jours opales et nonchalants
qui m'ont accepté en leur sein
Comment te dir(e) mon fol amour
à toi qui sais combien je suis
incrédule et inapte et sourd
aux sentiments et à leurs bruits...