Dans ce très bas-monde, il existe deux types de détails bien distincts: ceux que l'on ignore sans mal, comme les oeillades un peu obscènes que lance le coiffeur de ma rue en direction de mes fesses lorsque je viens à passer devant son échoppe, et les autres. Les autres sont de ceux, comme dit l'adage, qu'affectionne le diable, où se niche le Lucifer, Malin des malins. Lux fero: le porteur de lumière. L'on ne sera donc pas surpris que l'étude de certains détails apporte un jour, un éclairage nouveau, sur la perception qu'on a d'un ensemble plus vaste.
Il est des observations que l'on ne fait pas sans frémir. Elles sont symptomatiques d'un mal bien grand qui se dissimule derrière son petit doigt. C'est tout l'art du diagnosticien: il doit, au regard de sa science, distinguer les petits bobos sans conséquence des petits bobos dramatiquement prometteurs. Parfois il utilise son doigt, mais ma pudeur naturelle m'interdit de développer ce point précis.
Celui qui m'occupe depuis longtemps déjà, mais que j'espérais transitoire, et donc bénin, voire épiphénoménal, s'est installé dans un tel confort d'habitude, que je dois bien reconnaître aujourd'hui son aspect malin: la biopsie est sans appel. Et j'ai beau le savoir, m'y attendre et y être préparé, hé bien non, j'ai chaque fois que je m'y confronte la sensation glaçante et vertigineuse d'une limace urtiquante qui glisserait sur mon échine dorsale.
Comme chacun sait, Louis XVI fut trahi par sa propre monnaie lors de sa fuite à Varenne, son visage de Bourbon bien gras apparaissant au dos des pièces du Royaume de France. On parla alors de "détail qui tue". Idem de la tache spermatique laissée inconsidérément par Bill Clinton sur la robe de Lewinski: jamais blanc sur blanc n'eût pu avoir tant de répercussion sur notre planète. Mais ces deux exemples sont triviaux comparés au pernicieux qui m'obsède, et qui fut prédit par Guy Debord dans sa fameuse "société du spectacle".
Je pense avoir assez teasé, voici en quelques mots ce prodrome de l'apocalypse: La section "culture" de Google actualités a disparu au profit de "divertissement".
Nomina si nescis, perit et cognito rerum... hé oui, la chose en soi s'en va avec son nom, pourrait-on dire si on ne craignait diluer Kant dans les antiques latins. La culture est aujourd'hui un divertissement au même titre donc, et c'est bien facile, que les jeux du colisée ou la pêche au canard en plastique à la fête foraine. Les frasques de Ribery avec sa call-girl valent bien les aventures de Casanova, qui mourut un 4 juin, ce qui est encore un détail. Qu'on se paluche en lisant Sexus de Miller est une chose, mais qu'on se branle la cervelle devant la télé réalité est une autre paire de manches!
Je sais, je défonce les moulins ouverts à tous vents, en bon Don Quichotte d'arrière-garde. Mieux vaut ça que de se noyer dans la nasse. En plus c'est vendredi, et il faut manger du poisson. Heureusement, il me reste du coeur de dauphin, et comme vous êtes tous des ignares, personne ne relèvera que c'est un mammifère et non un poisson. De toutes façons, je vous hais tous, sans exception, et vous souhaite une grande coupe du monde de football.