II Palette
Banquise
Tout n'était plus qu'horrible porcelaine
foutre dégoulinant et squelettes tendus dans un ciel de neige
aux pulsions antartiques
dans la sclérotique de nos globes vitrifiés,
les vaisseaux gelés s'entrelaçaient
en cherchant une issue
un jour pâle jetait son voile
sur les immeubles comme des pages vierges
douleurs muettes et stagnation
dans une avalanche de mouettes désorientées
la laque de nos regards glissait
sur une étendue abstraite
plus franche que le néant
la réalité frottée jusqu'à l'os, incisive et pointue
plantaient ses dents à perte de vue
toute émotion défraîchie
toute émotion
défraîchie
il ne restait que l'écume froide de nos amours antiques
comme au matin le sperme sec dans nos draps exuvie
dessine en croûtes des rognures de luxures atones
un monde cerclé de vieilles colonnes
paysage albinos, aveugle
nous avons craint
dans cette plaine atroce et sans chemin
n'être plus qu'interminable silence
comme un violon d'ivoire aux intestins sectionnés
pendu aux balancements perpétuels de la lune
nuit enfuie sur un souffle d'albâtre
moins chaud que le vide
moins chaud
que le vide
*
III Primaire
Comme si le givre couvrait
toute forme et sentiment
comme si plus rien ne pouvait nous atteindre
ni l'effroi de l'ordure ni celui de la beauté
juste la hantise d'un état permanent
comment serait-il possible de peindre?
sans
les pleurs cataractants des torrents
l'éclat des rivières qui gicle au ciel
la fin de la nuit qu'on révère
quand le crépuscule imbibe la matière
sans
les aubes sanguinaires brûlant la manganèse
sans le feu dans les entrailles
quand la piqûre du désir boursoufle la chair
un cercle de lave autour des yeux
sans
les éclairs pulsatiles, sonars revenus des aurores
sur l'or en mouvement des gigantesques soleils
quand s'étoile en nous, au réveil
le besoin de cueillir les pépites des champs de tournesols
*
IV mouvement
Tu sais, le mot fait la forme
quand tu as retrouvé les couleurs
l'obscur et le vermeil
la crasse et l'innocence
quand ton rire fait fuir
le doute et son dictat
que partout s'étale sa viande pendue, verticale
tu peux courir au travers
Tu peux tout oublier
le beau despotique et le laid ombrageux
les regards accrochés aux fenêtres
le lourd passé, vomissures pavées
l'envie d'être au milieu des décombres
et partir enfin
filer, prendre le train
ou une fusée
foncer si vite que tout reste en place
la mue d'avant-hier, les soupirs de demain
les gyrophares de l'angoisse
tout ira si vite et sans pensées...parasites
Alors voilà
je disais, la ville aujourd'hui étendue
sa mâchoire qui broie l'horizon
accablés de rêves synthétiques
et pourtant, la nuit, nous courons d'autres infinis
la nuit superbe, mouchetée de flamboyance
la nuit de silence
quand l'obsidienne claque à tous bouts de champs
champs de ciment ou par-delà les cimes
des forêts fantastiques jaunes et filandreuses
aux frondaisons, ses lèvres
soufflent velours sous les frêles vêtements,
taffetas
de sensations
sifflantes sur l'âme expédiée au firmament bleuté
qui ne court pas la nuit?
quand tout est retrouvé
l'envie des espaces
qu'on brise enfin les miroirs et la glace
la voie lactée sous nos pas bitumes
les murs s'estompent au coeur de la pénombre
on ne ressent plus la poigne du grand nombre
et voilà
des étages de brume à gravir
détachés
sans peau et sans fringue
et qu'importe l'azur
qu'importe les figures ployées
et monte, monte
tu as tout oublié
le sexe des conformités
et la honte
de ne pas être de ceux qui dorment la nuit
tu vois c'est beau
de n'être plus rien de ce qu'on connaît
plus de visage dans les nuages aux cieux des autres
plus de reflet dans les flaques
c'est la nuit que sont les couleurs nouvelles
les couleurs nouvelles
mais
on a couru à toute allure
aux bras gelés, des entailles
entre les os pénètre l'haleine d'un autre jour
d'une autre cité à contempler
et
nous avons franchi tant de strates à toute vitesse
que nous sommes seuls
là
hirsutes et façonnés par les voyages, des images crépitantes
encore sous les paupières
et encore, comme un hoquet elle revient, vague ressac au matin
dans le vent des volets se frappent aux murs
dernière étoile là-haut qui geint, toute petite, meurtrie
elle apparait sur le papier comme une épreuve
indéchiffrables antennes qui écument le ciel
vrombissement saphir
dans les vapeurs de café elle sort des gravats
triste lueur sur les tuiles, scintille timidement
la créature de béton